Marc Hochar a rencontré Robert Moughanie à l’occasion de Vinexpo 2015. Chateau Musar étant étroitement lié au nom de Serge Hochar, ils en ont profité pour parler de l’avenir.
Après le départ de votre père, quel est l’avenir de Château Musar ?
Il n’y a pas grand-chose qui va changer. Notre winemaker Tarek et mon frère Gaston sont à la cave depuis plus de 20 ans, ainsi que la personne qui gérait la cave depuis les années 70 avec mon père.

Du point de vue œnologique, Tarek travaille chez nous depuis 24 ans. La partie la plus délicate est l’assemblage. Depuis une dizaine d’années il se faisait entre Serge, Tarek et Gaston. Cette année, après le départ de mon père, il a fallu faire l’assemblage sans lui. On avait alors quatre excellents assemblages mais l’un d’entre eux faisait ressortir la signature Musar sans aucun doute possible, et à l’unanimité des décisionnaires. C’est évidemment celui que nous avons choisi. D’un point de vue wine-making, la main a déjà été largement passée.
La gestion de l’activité, ce que j’appellerais le « business » est gérée principalement par mon frère Gaston au Liban depuis plus de sept ans déjà, avec l’aide de mon oncle Ronald.
Personnellement, j’accompagnais mon père depuis 2010 lors des déplacements et je suis maintenant en charge des dégustations et autres événements dans les marchés non européens principalement. Mon père et moi avions déjà commencé à nous partager les voyages en solo depuis plus d’un an et demi.
« Serge Hochar a été un des précurseurs des vins naturels et authentiques. »
Votre père avait la capacité de déstabiliser les personnes lorsqu’elles l’interrogaient à propos de Château Musar. Je me souviens d’un Masterclass de vins à Londres en 1996 ou un certain Richard avait interpellé votre père en lui disant «le millésime que vous nous proposez n’est pas aussi bon que le précédent. Pourquoi ? ». Monsieur Hochar lui avait alors demandé s’il était marié. Il acquiesça, étonné par la question. Serge lui demanda alors « est-ce qu’à chaque fois que vous faites l’amour à votre femme, c’est la même chose ? »
(Rires) Mon père et moi sommes très différents. Parfois les dégustations étaient très drôles. Nous étions capable de nous contredire « on stage ». Notre message reste identique même si notre style est différent et que nos façons de le transmettre divergent.
Pour mon père, le vin est un produit vivant.
On le voit alors complètement différemment d’un liquide à boire, il devient une expérience dont on se rappelle. C’est ce message qu’il faisait passer.
Il a commencé à faire des vins en 1959, il avait vingt ans à l’époque et n’avait pas étudié l’œnologie. En 1964, il est parti à Bordeaux pour le faire. Quand quelqu’un lui a demandé “Mr Hochar, how did you make wine before studying winemaking?” il a répondu “Nobody taught me how to make children.”
Comment assurer la pérennité de Château Musar?
En 1974, mon père a recruté un œnologue français pour l’aider, mais ce fut de courte durée. Pour l’un des millésimes, celui-ci, d’après ses connaissances, pensait que le moment était propice à l’embouteillage. Cependant, Serge prit la décision de laisser le vin en cuve ; il connaissait ses vins et ce que les cépages pouvaient donner. Après une phase de recherche d’identité de 17 ans, mon père a finalement décidé en 1977 les cépages, proportions et la personnalité de Château Musar qu’on lui connait aujourd’hui.
Puis la guerre est arrivée et mon père s’est retrouvé à nouveau seul à faire les vins pendant toute cette période. Il était alors confronté à deux défis : comment trouver un nouveau marché à l’étranger et y accéder, et comment assurer la pérennité de Château Musar? Il a réussi ce pari et dans les années 80, Château Musar est devenu un vin mondialement reconnu.
Au début des années 90, il a pensé qu’il était temps de mettre en place un œnologue pour prendre la main au jour le jour et mieux travailler les vignobles.
Est-ce que vous continuez à produire le Musar jeune ?
Bien sûr, cela fait cinq ans que les équipes se sont mises en place pour ne pas être dépendantes de mon père et pouvoir assurer la continuité de toute notre activité.
Quelle a été la réaction des connaisseurs après le décès de votre père? Ceux qui considèrent Serge Hochar comme une des dix personnes qui ont changé la vision du vin dans le monde ?
On a eu beaucoup d’articles de la part des professionnels que l’on peut retrouver sur notre site web .
On a été étonné de recevoir autant d’émails de personnes dont la rencontre avec mon père avait changé leur vie. C’était un dégustateur extraordinaire et il avait ce don de toucher les gens. Il préférait passer quinze minutes avec une personne et la marquer à vie plutôt que de parler au plus de monde possible en accordant une seule minute à chacun.
Est-ce que Robert Parker a commenté le départ de Serge Hochar ?
Je ne pense pas que Robert Parker ai écrit quelque chose suite au décès de mon père, mais c’est normal dans la mesure où il n’est pas journaliste.
Serge Hochar a été un des précurseurs des vins naturels et authentiques.
Il disait souvent qu’il est inutile de boire quelque chose de bon mais il fallait boire quelque chose de vrai.
Il était contre les technologies, d’où par exemple une fermentation naturelle sans levure industrielles. Ce qui permet d’obtenir des vins vivants qui évoluent constamment plusieurs heures après avoir ouvert une bouteille.
Et toi Marc, pourquoi as-tu décidé de revenir au Château Musar?
La vie est une question d’étapes. On peut se sentir bien dans différents endroits et différents métiers. Après 2008, la finance était moins intéressante pour moi. Mon père et mon oncle murissaient. Mon père était un peu plus prêt à passer la main. Pour moi c’était une transition vers quelque chose de plus agréable à vivre, une certaine qualité de vie. Je me suis rendu compte que ce que mon père avait accompli était très important pour le monde du vin, et que nos vins avait marqué beaucoup de gens. Par devoir pour ces gens, je me suis dit que c’était égoïste de ne pas tout faire pour que ce vin continue à exister. Cette voie m’a paru logique.
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Nous remercions chaleureusement Marc Hochar de nous avoir accordé du temps pour répondre à nos questions.
2 réflexions au sujet de « L’avenir de Château Musar vu par Marc Hochar »
Il est rare de tomber sur articles aussi bien écrit
Merci