Il était temps de vous révéler l’histoire des vins libanais. Le Liban, minuscule pays coincé entre Orient et Occident, a traversé l’histoire à l’ombre des grandes civilisations antiques. Voici comment la culture du vin y a éclos. Robert Moughanie, fondateur de wineroutelibanon.com, nous éclaire.

Vallée de la Békaa, le véritable temple du vin dans l’histoire des vins libanais.

Le temple de Bacchus, érigé par des Romains au IIe siècle, est le symbole intemporel de la qualité des raisins qui poussaient sur la terre féconde du Liban. Très bien rénové et conservé, il côtoie les temples de Venus et Jupiter à Baalbek, ville au nord de la vallée de Békaa.

Il a survécu aux siècles les plus durs et les plus violents. Les vignes environnantes ont résisté au phylloxéra, aux persécutions et à l’oubli des techniques de fabrication du vin. Seuls certains monastères ont retrouvé et perpétué cette tradition. En effet, l’ordre Jésuite, en particulier, bénéficie au milieu du XIXème siècle d’une parcelle de terre offerte par l’occupant Ottoman. Afin de calmer les passions déclenchées par le massacre de deux de leurs prêtres. L’ordre plante par la suite des vignes sur cette terre désormais connue sous le nom de Château Ksara. Notons que le vin au Liban est longtemps resté confiné soit au vin de paroisse soit au produit de luxe marginal, l’alcool populaire étant alors l’Arack, équivalent anisé du Pastis français.

 

 

La reconnaissance du vin libanais vient de l’étranger.

La gloire arrive en 1979, lors de la Bristol Wine Fair en Angleterre. Michael Broadbent qualifie le millésime 1967 de Château Musar de «Découverte du salon». Ainsi, cette phrase couronne l’exceptionnel talent, la persévérance et la passion de Serge Hochar, propriétaire de Château Musar. Ce dernier se consacra entièrement à son vignoble et à la promotion du vin libanais dans le monde. Alors que la guerre libanaise faisait rage durant les années 1970 et 80, des experts du monde entier visitaient ses caves afin de découvrir ses vins extraordinaires. En d’autres mots : une légende du vin était née.

Les magasins Nicolas, premiers promoteurs du Château Kefraya.

Avec la fin de la guerre du Liban en 1990, des professionnels internationaux du vin commencent à affluer au Liban dans la Békaa. En 1993, deux experts de l’enseigne Nicolas visitent les terres du Château Kefraya. L’année suivante, le magasin Nicolas référencent quatre de ces vins. Il fait aussi la promotion du vin « Le Nouveau de Kefraya » pendant trois semaines dans ses quatre cents points de vente. C’est le début d’une renommée internationale.

Depuis 1998, de nouveaux vignobles sont fondés. Ils bénéficient de la gloire que leurs prédécesseurs ont su acquérir. Aussi des vignobles français viennent investir au Liban ou faire bénéficier les vignerons libanais de leur expertise.

Des raisins uniques grâce à un climat idéal.

Entre terre et mer, les conditions de culture des vignes libanaises permettent l’excellence. Le climat tempéré, le sol calcaire et la qualité des cépages font des raisins juteux. L’ensoleillement leur donne du caractère. En 2004 au salon du vin Prowein à Düsseldorf en Allemagne, deux prééminents producteurs de vin français discutent du Cinsault devant moi. L’un dit à l’autre : «Si tu n’as pas croqué du Cinsault du Liban, tu ne peux pas connaître le potentiel du Cinsault». Je n’ai pu cacher mon plaisir de l’avoir déjà « croqué » !

Grâce à leurs qualités inimitables, les vins libanais occupent désormais une place légitime sur le plan international. A titre d’exemple, le vignoble Château St Thomas s’est vu attribuer, depuis 1998, 108 médailles d’Or à des concours mondiaux, 50 médailles d’Argent et 10 Citadelles du Vin.

Mais la plus belle réussite de ces vignobles est la conquête du goût des libanais de toutes les générations. Tous savent désormais apprécier un bon verre de vin du pays dans les restaurants beyrouthins les plus branchés. Faites de même, offrez-vous un voyage à Beyrouth en commençant par une gorgée de vin…

Crédit photo : pixabay – site de Baalbek, l’ancienne Héliopolis des Romains où trônaient les temples de Bacchus, Venus et Jupiter.